Janvier 2024

Week-end retour aux sources

Du vendredi 19 au dimanche 21 janvier 2024, nous avons organisé une série de rencontres autour de la reconnaissance des droits de la Seine, à Dijon. Retour en images sur les moments forts de ce week-end.

Jour 1 : Conférence et cercle Samoan

Le vendredi 21 janvier s'est tenu la conférence/débat avec Yan Tomaszewski (artiste plasticien), Charlène Descollonges (hydrologue), Marine Calmet (juriste) et animée par Christophe Mandereau, sur la thématique suivante : “La Seine et nous. L’art, la science et le droit pour un nouveau regard sur le fleuve”.

Yan Tomaszewski est revenu sur l'évolution progressive du lien culturel et cultuel entre les habitant·es humaines du bassin de Seine et ce fleuve à travers l'évolution de la figure de Sequana, la déesse guérisseuse. Les premières traces des cultes pratiquées aux sources de Seine remontent à l'époque celte. Sa personnification, sous les traits d'une jeune fille, interviendra à l'époque gallo-romaine. C'est à cette époque qu'est érigé le temple de Sequana où les pèlerins viendront par milliers déposer ex-voto et prières. Progressivement la relation au fleuve change, ce qu'observe l'artiste en suivant la présence des saints sauroctones, représentés sur les vitraux des églises.

Ces saints sont représentés terrassant l'hydre, l'incarnation du fleuve et de ses affluents qui menacent de leurs crues, les habitations et les récoltes. Des murs et des canalisations sont érigés et la société se détourne culturellement de la Seine, ne laissant subsister qu'un lien utilitariste (transport de marchandises, égouts, etc).

Dans son intervention, Charlène Descollonges a rappelé le fonctionnement du grand cycle de l'eau, montrant que les hydrosystèmes sont vivants et complexes. Elle alerte sur la dégradation actuelle de ces mécanismes, notamment du fait de l'artificialisation des sols, du dérèglement climatique et du rejet d'eaux grises dans cette matrice qui nous maintient tous·tes en vie. Les cartes sont édifiantes et les chiffres inquiétants tant la dégradation biochimique des masses d'eau est en passe de se généraliser. Par ailleurs, l'histoire du transport fluvial sur la Seine a fait des ravages sur la capacité du milieu à absorber les crues et profondément défiguré la Seine. Rescindement des méandres, canaux de dérivation, barrages, écluses... Ce qui était considéré hier comme une marque de projet est aujourd'hui pointé du doigts pour ses conséquences écologiques. C'est pourquoi Charlène œuvre pour une"hydrologie régénérative".

Marine Calmet est intervenue sur notre relation au fleuve Seine et à la nature en général, sous l'angle juridique. Alors que la crise écologique nous pousse à redéfinir nos interactions avec le milieu qui nous entoure, le mouvement mondial pour les droits de la nature propose une relecture à la source, de notre rapport aux non-humains. En reconnaissant que l'humain n'est pas au sommet de la pyramide des espèces mais appartient à une communauté vivante et interagissante d'être liés entre eux, il s'agit de définir des solutions éthiques, juridiques et politiques pour répondre au défi du siècle. A travers la présentation des idées du juriste pionnier Christopher Stone et de nombreux exemples de reconnaissance de droits fondamentaux à la nature dans le monde, Marine a présenté la Déclaration des droits de Seine rédigée par le collectif et appelé d'autres acteurs engagés à rejoindre le programme national d'expérimentation mené par Wild Legal.

Cet événement était l’occasion de partager avec des acteur·ices locaux d’horizons divers tels que des associations, des élu·es, des riverain·es mais également de créer des synergies avec des projets locaux déjà existants. Nous avions choisi un format de conférence inédit avec une deuxième partie de soirée où la parole était donnée au public sur le format du cercle Samoan. De riches témoignages ont ainsi permis de tisser des liens. Etaient notamment présents les descendants des Gardiens des sources de Seine (fonction officielle des employés de la Ville de Paris en charge du site), qui œuvrent à leur manière pour préserver cet héritage et l'amour pour ce fleuve. De nombreux habitants sont venus témoigner de leurs expériences passées mais aussi de mobilisations récentes, comme la lutte contre l'artificialisation des berges du Suzon (rivière longue de 40 km qui se jette dans l'Ouche au sud de la ville de Dijon), menacée par l'implantation d'un projet immobilier. 


Jour 2 : Atelier cartographie et visite des Sources

Le lendemain, le collectif a proposé un atelier cartographique animé par Florentin Fesnin et Léa Persoz. L’objectif était d’engager la communauté locale dans un processus collaboratif de cartographie des enjeux, en identifiant les opportunités et les menaces liées à la zone amont du fleuve de Seine. Nous avons ainsi pu dresser une première liste de projets en cours ayant un impact négatif sur la Seine et recueillir le témoignage d’habitants sur leurs rapport au fleuve.

Ces ateliers cartographiques organisés le long du fleuve (le premier à Rueil Malmaison en 2022), nous permettent de mieux connaître le territoire, comprendre les enjeux passés, présents et futurs et construire une représentation des liens existants entre les habitant-es et leur milieu de vie.

Cette cartographie sensible de la zone des sources de Seine permettra d’enrichir notre carte à l’échelle du bassin versant que nous souhaitons mettre en ligne sur notre site internet à l'issue des ateliers effectués le long du fleuve.

Visite des sources

Le samedi après-midi nous nous sommes rendus à 40km de Dijon afin de découvrir le site des sources de la Seine. Nous avons eu la chance d’être accompagnés par Antoine Hoareau, ancien président de l’association des Sources de la Seine, adjoint au maire de Dijon et passionné d'histoire. Nous y avons échangé sur les cultes voués à la déesse Sequana et les fouilles ayant permis de retrouver et conserver les nombreux ex-voto retrouvés sur le site archéologique.


Jour 3 : Rituel des Gardien·nes de la Seine et visite du musée archéologique de Dijon

La matinée était dédiée à la reconnexion avec la Seine, par le cœur et le corps. Accompagnés dans cette pratique par trois femmes animistes, nous avons expérimenté des pratiques ritualisées inspirées des celtes, pour faire le lien entre notre rapport à l'eau et notre engagement pour le fleuve Seine. Sur ce lieu hautement symbolique où les habitant·es du bassin venaient demander la protection de la déesse, comment apporter des réponses à la crise écologique en développant un rapport d'empathie avec le fleuve ? Conscient·es des maux de la Seine, comment former un nouveau pacte entre les Gardien·nes et le fleuve, dans une logique de don contre don.

Cette expérience s'est conclue par la lecture d'un extrait de la déclaration des droits de la Seine et son accrochage au Gîte d'étape des sources.


Musée archéologique de Dijon

Pour clôturer ce week-end nous nous sommes plongés au cœur des trouvailles des sources de Seine, exposées à Dijon. Le musée présente une collection de 300 ex-voto en bois de chêne datés entre – 40 et 20 de notre ère, miraculeusement bien conservés grâce à l'eau et la boue qui ont protégé ces vestiges de la lumière.

Sequana, le nom d'origine celte du fleuve, y est écrit sur de nombreuses pièces votives, priant ou remerciant la déesse pour ses bienfaits.