Green Dock, le géant logistique qui menace une zone Natura 2000
Crédit : Simulation GreenDock Association Protection des berges de Seine
Pour rappel, le projet Green Dock, avec ses 600 mètres de long et ses 35 mètres de haut, est une gigantesque plateforme logistique de 90 000 m2 prévue dans le port de Gennevilliers. Ce mastodonte du stockage de marchandises devrait voir le jour en 2027. Bien que présenté comme une “avancée écologique” par ses promoteurs, notamment grâce à son toit équipé de la plus grande centrale photovoltaïque de la métropole, ce projet aura des impacts environnementaux et sociaux considérables.
Les préoccupations environnementales
Le projet Green Dock est censé remplacer les anciens entrepôts des Magasins généraux, laissés à l'abandon depuis les années 1950. Nous dénonçons la taille démesurée de la structure et les risques qu'elle pose pour les écosystèmes locaux. Le site se situe en effet à proximité de la zone Natura 2000 de la pointe de l'Île Saint-Denis, des habitats précieux pour des espèces tels que les grands cormorans et les martins-pêcheurs d'Europe. C'est la première zone non anthropique d'Île-de-France, c'est-à-dire que la présence humaine y est interdite.
A l'encontre des louanges du promoteur australien Goodman et de Haropa Port, gestionnaire des ports de Paris, Rouen et Le Havre, les opposants soulignent que l'objectif principal du projet est l'augmentation du trafic multimodal (routier et fluvial principalement). Le site entraînera environ 1200 rotations de camions par jour, et le transport fluvial ne représentera que 15 % du trafic. Cette hausse du trafic aura un impact direct sur son environnement en augmentant les pollutions de l'air mais également les pollutions lumineuse et sonore ; dans une région déjà fortement impactée par les embouteillages de l'A86 et de l'A15. Ce développement risque de provoquer une bétonisation massive, en contradiction avec la nécessité de protéger les écosystèmes locaux.
Crédit : © Louise Allain / Reporterre
Les enjeux sociaux et écologiques
Les quartiers populaires des villes de la banlieue nord parisienne concernées par le projet, comme Épinay-sur-Seine et l'Île Saint-Denis, ont déjà subi les conséquences de la bétonisation dans les années 1970 et 1980. Pour les populations souvent défavorisées vivant dans ces zones, préserver les rares espaces naturels existants est crucial. Nous insistons sur l'importance de l'écologie populaire, qui vise à protéger l'environnement pour le bien-être des habitant-es.
Crédit : © Mathieu Génon / Reporterre
Mobilisation du 24, 25 & 26 mai 2024
Vendredi, le week-end de mobilisation s'est ouvert à la Bourse du Travail de Saint-Denis avec une table-ronde sur le thème "Travail & écologie" avec les sociologues Carlotta Benvegnu et David Gaborieau, Julien Troccaz de Sud rail et des syndicalistes CGT de la logistique et du déchet.
Samedi, la manif'action allant de Gennevilliers à L'Île-Saint-Denis a réuni plus de 2000 personnes selon les organisateurs. Les manifestants, composés de riverains, naturalistes, syndicalistes, organisations politiques et associations, mais aussi les opposants à d'autres projets logistiques similaires, comme l'A104 bis, le BIP et le Canal Seine Nord Europe, ont souligné les imbrications avec Greendock, évoquant un cercle vicieux entre l'expansion des entrepôts et celle des autoroutes. Au parc des Chanteraines, une balade surprise vers les zones logistiques de Gennevilliers a été rapidement et violemment interrompue par la police, entraînant des affrontements et l'utilisation de grenades de désencerclement et de flashballs. Une personne de l'équipe médicale a été blessée et hospitalisée, et 64 manifestants ont été interpellés. La journée s'est terminée sur les bords de Seine à L'Île-Saint-Denis, avec des appels à soutenir les personnes arrêtées.
Crédit : Les Soulèvements de la Terre
Dimanche, la mobilisation a pris une tournure artistique avec le "réveil" de Sequana, la déesse de la Seine, qui s’est exprimée contre le projet Greendock. Associant la danse et le théâtre, la lecture de la Déclaration des droits de la Seine écrite avec le collectif des Gardien.ne.s a été reprise en coeur par les danseuses de la compagnie l'Essoreuse afin de lui donner toute sa puissance symbolique.
Crédit : © Y Nhi Tran / Wild Legal
Ensuite, un spectacle fluvial a illustré le combat entre l’hydre des luttes sociales et écologiques et l’empire logistique menaçant la biodiversité. L'après-midi s'est conclu par une table ronde sur le racisme environnemental et l'écologie populaire, avec des participants de l'association A4 et la revue Z.
Mots de la fin
Il est aujourd’hui nécessaire de réévaluer le projet à la lumière des remarques et préconisations des associations et de l'autorité environnementale concernant la pollution des sols, l'étude du trafic fluvial et l'évaluation des nuisances liées aux flux de déplacements.
Nous devons adopter une vision qui valorise la symbiose avec les écosystèmes plutôt que leur exploitation. En soutenant une logistique plus respectueuse de l'environnement et en protégeant les écosystèmes locaux.
Ce projet illustre l'absolue nécessité de reconnaitre les droits fondamentaux de la Seine car nous devons non seulement construire un avenir durable et équitable pour tous·tes, mais aussi rétablir un équilibre essentiel avec la Nature.